"144 heures, course contre la nuit" est un film sur les records du monde de distances parcourues sur tapis par Pierre-Michaël Micaletti. En moins d'un an, PM Micaletti dépassera par trois fois la distance de 800 kilomètres en course à pied en moins de six jours soit 144 heures. Le tapis roulant est une surface permettant une mesure scientifique de son état d'éveil et de sommeil grâce à des capteurs reliés à des ordinateurs.

Pendant l'épreuve PM Micaletti alterne course, marche et courtes siestes de moins de vingt minutes. Au sortir de ces courtes siestes, au moment de cet éveil conditionné, le coureur reste suspendu de longues secondes au seuil de la conscience. Ainsi, au quatrième jour, il confie avoir cru pour un moment être au milieu de la course précédente, qui a eu lieu six mois plus tôt à Antibes.

  

144 HEURES, COURSE CONTRE LA NUIT 

37' couleur HD, 16/9,  son stéréo

Réalisation : Jean Marc Munerelle

Musique : Geoffrey Jeanne

Mixage : Raphaël Carpentier/ RC Studio.

Etalonnage : Jean Michel Petit

Les souvenirs des courses antérieures viennent se confondre avec la course présente pour communier dans un même et unique mouvement. Aux moments les plus durs, le temps et l'espace s'évadent sans prévenir, immédiatement remplacés par les souvenirs. Ces sensations qui ne sont pas fugaces se lisent longuement dans le regard halluciné du coureur.  

 

Pour rendre sensible, ou plutôt pour rendre l'illusion de cette perte d'orientation, la narration croise de manière elliptique, les séquences provenant de deux courses filmées dans des univers visuels bien distincts : l'un urbain, l'autre rural. Au final, ce documentaire ressemble à un film d'anticipation : l'invraisemblable course, l'insoupçonnable ressource, l'incroyable sensation d'être à la fois ici et ailleurs.

 

 

NOTE DE REALISATION

 

Vivre dans le cerveau d'un coureur de fond engagé dans la course la plus longue qui soit: 144 heures soit 6 jours et 6 nuits. Le coureur se nomme Pierre-Michaël Micaletti, il détient le record du monde de cette discipline sur une surface improbable: le tapis roulant. Cette surface statique permet d'équiper le coureur de capteurs et de mener à bien une mesure scientifique de son sommeil. C'est aussi un dispositif qui rappelle que le premier adversaire de cette course n'est pas la distance mais le temps, et que le seul moyen de mettre cet adversaire en échec est de durer. 

 

  La course se différencie de la marche par une phase de suspension en l’air sans appui. Courir c'est donc, pour un bref instant seulement,voler.

Je propose de nous envoler avec Pierre-Michaël Micaletti, recordman du monde dans la course de fond la plus longue qui soit: 6 jours et 6 nuits ou 144 heures sur tapis roulant. Cette surface statique permet d'équiper les coureurs de capteurs électromagnétiques et de mener à bien une mesure scientifique du sommeil. 

Pour Pierre-Michaël, le format de cette course correspond peut-être à une séance de rattrapage. Cloué sur un fauteuil ou entre des béquilles à l'âge de seize ans suite à un accident de route, Mica devra attendre dix ans pour recourir. Il se révèle alors être un des meilleurs mondiaux de cette discipline avec plusieurs palmarès et des faits d'armes qui ont motivé ma curiosité, voire ma stupéfaction. En 2006, il participe en effet à la Transe Gaule, une course extrême de 1150 km traversant la France de part en part. À la sixième étape, il se fait une double fracture au plateau tibial droit. Un exploit selon le monde médical, la fracture se ressoude en partie durant l'épreuve. Il fera 700 km avec cette double fracture avant de finir la course. Il entre ainsi dans le cercle fermé des «finishers» de cette épreuve.  

L'histoire d'une rencontre

Lorsque je rencontre Pierre-Michaël chez un de ses sponsors, il a achevé quelques semaines auparavant une course de six et six nuits. Il revient avec une verve ininterrompue sur l'événement, exprime de manière répétée ses étonnements. À savoir comment son corps a réagi, les sensations qu'il a ressenties. Jamais, la question du pourquoi ne se pose. Courir est une évidence.  

Je l'ai questionné sur la perception, sa propre perception. Il me décrit des états de conscience accrue, une capacité auditive augmentée. Il nourrit ma curiosité d'anecdotes. Je reconnais que la discipline m'a tout de suite fasciné, voire même envouté car je ne pouvais imaginer que cela était physiologiquement possible. J'ai donc voulu et c'est la raison du documentaire, en savoir plus, voir les choses par moi-même.  

Quelques semaines plus tard, au pied levé, j'embarquai avec ma caméra dans l'équipe scientifique d'un 6jours-6nuits. La course s'est tenue dans la salle de réunion d'un laboratoire en santé et bien être. Cette maison en bord de Loire devenait le vaisseau d'un voyage spatio-temporel à la limite de ce que je n'avais jamais connu. En partant, je me fixai l'objectif de répondre à cette question: « qu'est-ce qui les porte encore plus loin, encore plus longtemps ?». Je désirai y répondre avec une méthode: « Chercher l'humanité dans cette épreuve inhumaine».

Six jours-six nuits, si long

Toute course d'endurance est marquée par des moments diffciles lorsque l'organisme vit une adaptation dans la douleur. Ainsi, au bout de dix heures de course à l'approche du centième kilomètre, le coureur aura déjà alterné course et marche pour se prémunir d'une fatigue trop précoce. Mais le cerveau commence à enfler, la tête est douloureuse, avant qu'elle ne dise non, les coureurs s'allongent au pied des tapis pour quelques minutes voire une ou deux petites heures.

La course reprend de plus belle avec la venue du jour, avec la relève de la garde, avec la visite intriguée des riverains, des connaissances, des curieux ou du journaliste local. L'empathie est palpable, les regards mélangent étonnement et admiration. Tout porte à la communion: la convivialité du lieu, la simplicité et la générosité des hôtes et l'on peut même courir avec Philippe et Mica.  

Je reste donc un peu perplexe face à cette machine à ne pas bouger: le tapis roulant. Certes, le tapis permet à la caméra, comme aux capteurs électromagnétiques de suivre le coureur sans relâche. La caméra sera le réceptacle d'un document audiovisuel sur les péripéties physiologiques des coureurs. Le tapis roulant permet donc une captation plus continue, presque scientifique. Gardons cet acquis au montage en respectant la chronologie et en mentionnant à chaque début de séquence les heures de course parcourues.

 

Le train de la course en bord de Loire a sa propre durée. Lorsque le corps est parti, il ne semble pas pouvoir s'arrêter. Mais la tête a d'autres intentions, elle l'arrête. Elle ne biaise pas, elle ne veut plus. C'est étonnant de voir comment les coureurs parlent de leur cerveau. C'est un peu comme si cet animal domestique se rebellait. Quelque chose de proche mais séparé du corps et de sa conscience. Certainement il faut courir ou marcher aussi longtemps pour entretenir cette relation au cerveau, le mauvais élève de l'ultra-endurance.

 

Le sommeil est donc un enjeu de la course longue, à voile ou à pied. Le somnologue Eric Muellens a suivi les courses antérieures de Pierre-Michaël, notamment à Antibes. On le rencontre à la Cité des Sciences, six mois après la course des bords de Loire. Mica est reparti pour une séquence très médiatisée de six jours accompagné du cycliste Phillipe Dieumegard. Le docteur a équipé les coureurs de capteurs électromagnétiques pour mesurer en permanence leur état de conscience, de somnolence et de sommeil. Suivant ses conseils, Pierre-Michaël est devenu un expert du sommeil polyphasique. Cette méthode est aussi utilisée par les navigateurs solitaires. Elle consiste à dormir pendant de courtes durées mais fréquemment.  æ

 

Les résultats de cette étude sont étonnants. Pendant 144 heures, le coureur ne se permet pas le luxe d'atteindre le sommeil paradoxal. Ce sommeil où l'activité cérébrale est aussi importante que pendant l'éveil, ce sommeil de rêve. Pendant six jours et six nuits, jamais Pierre-Michaël ne rêvera. Par contre, son corps lui commandera de plus en plus rapidement d'atteindre le sommeil profond. Un sommeil lourd où l'activité cérébrale est minimale et le repos physique maximal.

 

Le docteur Muellens ne peut être présent sur les bords de Loire. Pierre-Michaël restera suspendu à son téléphone avec les membres de son équipe en cet après-midi du troisième jour. L'éveil a été étrange pour Mica. Peut-être entrait-il dans un rêve? En tout cas, les yeux ouverts, il a vécu plusieurs minutes avec la présence évanescente de « sa copine ». Les souvenirs sont les compagnons les plus intimes et les plus indéfectibles du coureur même s'ils arrivent et partent sans prévenir. Ils peuvent être heureux ou terribles selon que le coureur va bien ou mal.  

 

Au sortir des courtes siestes conditionnées, au moment de l'éveil, le coureur reste suspendu au seuil de la conscience. Ainsi, à peine éveillé, au quatrième jour, il confie à son coach avoir cru pour un moment être à Antibe, six mois plus tôt, au milieu de la course précédente. Les souvenirs des courses antérieures viennent se confondre avec la course présente peut être pour communier dans un même et unique mouvement. Aux moments les plus durs, le temps et l'espace s'évadent sans prévenir, immédiatement remplacés par les souvenirs. Ces sensations qui ne sont pas fugaces se lisent longuement dans le regard halluciné du coureur.  

 

Le montage

 

Je croise au montage de manière elliptique, en flash, les séquences provenant des deux courses, donc de deux univers visuels antagonistes, l'un urbain, l'autre rural. Et pour rendre sensible, ou plutôt pour rendre l'illusion de cette perte d'orientation, je ne donnerai pas d'indication spatiale. Le flash (c'est ainsi qu'il nomme les courtes siestes) sera back et forward, il sera l'illusion de vivre en rêve ou en souvenir dans plusieurs réalités simultanément.  Cela ressemble à un film d'anticipation: l'invraisemblable course, l'insoupçonnable ressource, l'incroyable sensation d'être à la fois ici et ailleurs.

 

La musique

 

Le musicien et compositeur Geoffrey Jeanne a improvisé sur Didgeridou une musique à la fois vibrante et rythmique spécialement pour ce projet. Cette instrument des nomades australiens utilise le souffle comme dans la course à pied. Sa sonorité ventrale évoque un son venu de la terre sur lequel se poserait en rythme, les pas du coureur. Geoffrey a complété la bande son de solos planant de guitare qui accompagne le repos des coureurs. 

https://www.facebook.com/144heures?fref=ts

 

 

 

 

 

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